Le chêne tient assurément le premier rang parmi nos essences indigènes. Par l’étude des fossiles, on a pu constater qu’il existait dans le crétacé, avant l’époque tertiaire. A l’époque historique, il était l’essence dominante des grandes forêts couvrant notre sol. Surtout chez les peuples primitifs, l’influence des arbres, de la forêt, est énorme ; elle détermine l’activité sociale et économique, même dans ce qu’elle a de plus rudimentaire. Parmi toutes nos essences indigènes, aucune n’avait des qualités aussi précieuse que le chêne et ne répondait aussi bien aux exigences de la vie économique.
Le chêne a été vénéré dès la plus haute antiquité, non seulement pour son utilité, mais pour sa vigueur, l’ampleur et la majesté du développement que sa longue existence lui permet d’acquérir.
Partout où le chêne est répandu, il a une place importante dans le passé et les légendes des peuples. Il a déjà une grande part dans l’histoire des juifs, puis des Grec ; les Chênes de Mambré sont les premiers arbres sacrés dont il nous est resté le souvenir.
Les latins distinguaient le chêne blanc de l’Yeuse. Celui-ci atteignait souvent, comme aujourd’hui, en Italie et en Espagne, de grandes dimensions, tel celui que Pline cite, près de Tusculum, dont le tronc dépassait 10 m de circonférence.
Nous retrouvons le chêne, à la fois dieu et temple, jouant un rôle très important dans la religion des Gaulois. Teutatès et Esus étaient représentés par des chênes, situés au milieu des immenses forêts, dans lesquelles les druides initiaient le peuple aux mystères sacrés et invoquaient le « Dieu Chêne ».
Les forêts furent non seulement les premiers temples des Gaulois, mais aussi des Germains et des Scandinaves. En Germanie, le chêne, consacré à Thor, était adoré vivant, et honoré après sa mort.
Les chrétiens, adaptant les coutumes paїennes à leurs cultes, installèrent souvent de petites chapelles dans de beaux chênes. On retrouve encore de ces arbres dans certaines régions, comme en Normandie, en Bretagne. Leur vie fut ainsi épargnée, mais ils furent souvent abîmés accidentellement.
Le chêne, si répandu dans notre pays, fut certainement un totem et pendant longtemps il fut entouré d’un aspect religieux. Le culte des arbres était assez répandu dans toute l’antiquité paїenne. Jusqu’au XIIème et au XIIIème siècles, et même après, on trouve le culte du chêne, surtout en Bretagne et dans les pays basques. Dans beaucoup de régions, il existait un chêne devant la maison familiale, et détruire cet arbre, planté par les ancêtres, était infamant, Dans les Pyrénées, on était persuadé que celui qui abattait un Tauzin mourrait dans l’année, d’où le
nom d’ « arbre de la malédiction » qui lui avait été donné.
Les pays riverains de la méditerranée –l’Italie surtout- reconstituent leurs peuplements. En France, le service des Eaux et Forêts entreprend le reboisement, la société forestière méditerranéenne et coloniale « Le chêne » cherche à faire aimer la forêt, dirigeant une active propagande en faveur du reboisement, dans les contrés du littoral méditerranéen où il serait nécessaire de recréer un sol forestier, d’arriver à substituer, à des broussailles sèches, de belles forêts, dont l’humus et la fraîcheur seraient une source de fertilité.
La forêt de chêne qui permit à nos ancêtres de lutter contre la faim, le froid, l’obscurité, qui leur procura des abris, des armes, des matériaux de construction, des meubles, des bateaux, des moyens de locomotion, parait actuellement en partie libérée de ces servitudes ; la houille, le fer, le ciment, le béton tendent à remplacer le bois ; mais le chêne avec ses qualités n’en reste pas moins d’une grande utilité pour l’homme et sa protection de la plus grande importance. Et puis, alors que l’extension de l’industrie a amené l’enlaidissement de tant de paysages, la forêt n’est –elle pas l’un des derniers refuges de la beauté.