Supplément économie Régions
Développement rural et lutte contre les migrations internes
Des politiques publiques en déphasage avec la réalité
le 12.09.11 |El watan
Un village en zone rurale.
Le thème du développement local, que ce soit dans son approche globale ou dans sa dimension relative à la redynamisation des zones rurales dans le but de les rendre plus viables sur les plans économique et social, est mis en avant avec persistance dans les politiques publiques déployées depuis quelques années.
Présentant un aperçu général des divers programmes de développement de ce type en vigueur ces cinq dernières années, le chercheur algérien spécialiste des espaces ruraux, Omar Bessaoud, souligne qu’en Algérie, «la nouvelle stratégie nationale de développement rural sur un horizon décennal (2005/2015) et le plan de renouveau rural, s’articulent autour de l’amélioration des conditions de vie des populations rurales, de l’emploi et des revenus par la diversification des activités économiques, du renforcement de la cohésion sociale et territoriale et de la protection de l’environnement et de la valorisation des patrimoines ruraux».
Il rappellera aussi le système d’aide à la décision pour le développement rural (SADDR) et les projets de proximité de développement rural intégré (PPDRI), tous deux validés par la Commission nationale de développement rural en tant que «démarches et outils d’intégration des interventions sectorielles au niveau d’un territoire». Autant d’indicateurs qui reflètent donc cette volonté d’accentuer les efforts sur le développement des zones rurales. Toutefois, se contenter du discours dans l’examen de la situation serait une manière d’occulter une réalité bien morose du monde rural.
En effet, le constat reflète un net décalage entre le discours et le terrain. Les zones rurales n’ont pas encore atteint le degré de développement socioéconomique requis. Pourtant, selon la FAO (organisation des nations unies pour l’agriculture et l’alimentation), en 2010, le monde rural devait représenter un tiers de la population totale de l’Algérie, soit quelque 12 millions d’habitants. Ce repère, à lui seul, suffit pour illustrer la nécessité de doubler d’efforts dans les politiques de développement rural.
Certes, il y a eu de multiples initiatives qui visent à relancer les activités économiques pratiquées dans la campagne, notamment à travers la politique de renouveau rural, mise en œuvre en 2008, les PPDRI, dont 10 000 opérations sont prévues dans le cadre du programme quinquennal (2010-2014), ou avec l’appui de l’ANGEM (agence nationale de gestion du microcrédit) qui a conçu des prêts destinés à la relance des métiers traditionnels ou les activités domestiques exercées généralement par les femmes au foyer (le tissage, le petit élevage ou la préparation de gâteaux traditionnels, entre autres).
Mais ces dispositifs se sont avérés insuffisants pour enclencher le processus d’économie rurale tant espéré en Algérie. Les porteurs de projets ont fini par déchanter, sans parvenir au lancement de leurs activités, en se rendant compte des lourdeurs bureaucratiques, le verrouillage systématique des sources de financement (accès difficile au crédit) et manque de visibilité dans la conception des projets d’investissement.
Bureaucratie et aléas climatiques
En se basant sur le processus d’évolution de la population, M. Bessaoud fait ressortir d’importants indicateurs sur les défis auxquels est confronté le monde rural en Algérie : «Les moins de 20 ans constituent plus de 51,5% du total des ruraux, et la tranche d’âge 20-29 ans représente plus de 36% des actifs ruraux. Actuellement, le taux d’activité en milieu rural reste insuffisant au regard du nombre importants de jeunes en recherche d’insertion professionnelle. En effet, en milieu rural, le taux de chômage moyen, évalué à 25,1%, touche majoritairement la population jeune, notamment la tranche des 20-29 ans qui représente à elle toute seule plus de la moitié (51,4%) de tous les demandeurs d’emploi».
La wilaya de Tizi Ouzou est un prototype du monde rural en Algérie. Avec plus de 1,1 million d’habitants, dont plus de 60% de population qui occupe l’espace rural, cette wilaya compte plus de 1400 villages.Cet état des lieux devrait inciter les pouvoirs publics à concentrer davantage les programmes de développement local, notamment dans leurs volets relatifs à la création d’emplois, sur l’espace rural. En revanche, hormis la réalisation des équipements publics, (établissements scolaires, structures de santé ou l’entretien du réseau routier), aucun programme de développement économique d’envergure n’a donné de résultats probants dans cette région du pays.
Il y a eu, certes, des villages qui ont bénéficié d’opérations de développement dans le cadre des PPDRI, mais sont loin de garantir la stabilisation des populations locales et freiner les flux migratoires vers les villes qui est l’objectif prioritaire visé par les différentes politiques de développement rural.
L’agriculture, qui est susceptible d’endiguer le taux de chômage en forte croissance dans les zones rurales, selon M. Bessaoud, «subit d’autres contraintes qui grèvent son potentiel de croissance et pèsent sur les équilibres écologiques des différentes régions naturelles.
On peut citer, entre autres, la surexploitation des ressources hydriques souterraines, l’érosion des sols et leur salinisation ainsi que la désertification qui menace les 32 millions d’hectares de terres de parcours et le couvert forestier de l’Algérie du Nord».
Mohamed Naili