C'est maintenant ! : 3 ans pour sauver le monde
Jean-Marc Jancovici
Jean-Marc Jancovici (Auteur)
Jean-Marc Jancovici est consultant et enseignant. Alain Grandjean est économiste. Tous deux anciens élèves de l'Ecole polytechnique, ils sont les fondateurs de la société Carbone 4, qui aide les entreprises et la puissance publique à comprendre et à agir face au problème " énergie-climat ".
Au rythme de l'océan, dont le niveau s'élève insensiblement de quelques millimètres par an, énergie et changement climatique s'insinuent doucement dans les discours. En petits cercles pour l'heure, industriels, économistes, politiques débattent de plus en plus des risques encourus, et des mesures à prendre pour les éviter ou les atténuer. Ici et là émergent des propositions nouvelles : abandonner les outils économiques obsolètes, en finir avec l'obsession du court terme en matière financière et politique, réaménager radicalement le territoire, les transports et le travail. Mais la fin annoncée du pétrole bon marché sera surtout celle d'une façon - dépassée - de voir l'avenir des hommes. Pour les prochaines décennies, tout reste à inventer, et tout va se jouer dans les années qui viennent. Un plaidoyer alarmiste, mais ô combien réaliste et enthousiaste, pour que nous prenions enfin le problème à bras-le-corps ! Le constat est là, que nous cherchions à ne pas le voir ou à le nier, la fin de l'énergie gratuite c'est pour aujourd'hui et pas demain. La quasi totalité des
cadres travaillant dans le domaine de l'énergie nous le disent : il ne reste pas 40ans de pétrole, c'est une ineptie de parler en années de réserves, la réalité physique c'est le pic qui va intervenir entre aujourd'hui et 2020 (avec une plus forte probabilité pour aujourd'hui que 2020) et cela cassera nécessairement le mythe de la Sainte Croissance Éternelle du Grand PIB.
Oui nous mangerons moins de viande rouge. Oui la voiture va être divisée par quatre (moins lourde, moins puissante, moins nombreuse et plus cher). Oui ceux qui habitent loin de leur travail devront déménager pour un appartement plus petit et plus cher ou changer de travail. Oui certains métiers comme chauffeurs routier ou pêcheur vont largement se réduire ! C'est une certitude physique, n'en déplaisent aux démagogues de tous bords, les discours ni changerons rien.
Alors quoi ? Que doit-on faire ? Rester là à pleurer ? Écouter nos vieux croûtons de politiques, Saints Évêques de la Croissance éternelle, continuer à nous endetter pour gaspiller ? Sombrer dans l'écologisme religieux, prêcher l'apocalypse face à toutes ces technologies du XXème siècle et vouloir revenir à l'âge préhistorique ? Profiter jusqu'au suicide de nos derniers instants d'énergies gratuites ? Débattre éternellement de savoir si dans 50ans on pourra peut être mettre sur le marché une machine merveilleuse capable de sauver notre mode de gaspillage ?
Non ! Ce dont nous avons besoin c'est d'une vrai vision d'avenir. Nous avons besoin de leaders qui soient capables de nous dire les choses en face, de tracer un cap à 50ans et de s'y tenir. Nous devons revoir notre économie pour qu'elle ne soit plus centrée sur le seul PIB (les coquillages) mais inclure les vraies ressources physiques (les arbres et les poissons).
L'union Européenne s'est constituée à la sortie de la guerre autour du commerce dans le but d'établir une paix durable et la démocratie. Devant le succès du commerce nous avons oublié le but premier ( la paix et la démocratie) au profit de la dévastation de nos ressources au nom de la Très Sainte Dé-régulation des marchés.
C'est au nom de cette même paix et démocratie que les pays européens doivent maintenant lancer un véritable plan Marshall pour reconstruire leurs pays autour d'une énergie dont la valeur réelle vas augmenter (progressivement si nous prenons le problème à bras le corps, violemment si nous ne faisons rien).
Parce que c'est bien d'une reconstruction qu'il faut parler, dé-construire les habitats qui ne peuvent-être rénovées et rénover ce qui est rénovable,
déconstruire certaines autoroutes devenues inutiles et reconstruire les centres urbains des petites villes non plus autour de la bagnole mais de transport plus doux.
Alors vite, retroussons nos manches avant qu'un nouveau malade vienne réduire l'Europe à feux et à sangs avec une idéologie nauséabonde récupérée sur le terreaux fertile de la misère et du désespoir