les forestiers relancent le grenadier local
Le prestigieux Sefri, une variété locale de grenade, dont la particularité première est d’être apyrène, vient de recevoir un début de consécration grâce à l’engagement du nouveau conservateur des forêts.
A peine installé, ce dernier a pris la décision d’inclure cette variété parmi les espèces à développer dans le cadre des programmes de développement du secteur. Lors d’un entretien avec El Watan, ce responsable a tenu à préciser que des instructions ont d’ores et déjà été données aux responsables de la pépinière de Khadra, spécialisée dans les espèces forestières, d’inclure la multiplication du grenadier Sefri dans son programme. Endémique de la région s’étendant entre Fornaka et Bouguirat, cette espèce fruitière se singularise par une absence de pépins et par un jus délicieux. Confinés dans cet espace qui jouxte le territoire des Médjahers, cet arbre aux fruits singuliers fait partie intégrante du terroir et du patrimoine local.
Très appréciés par les fins gourmets, ses fruits sont très recherchés à travers le pays. Pendant longtemps, la colonisation aura vainement tenté de lui substituer les agrumes et l’olivier de table. Mais c’était sans compter avec le caractère rebelle et foncièrement frondeur des Médjahers qui ne s’en laisseront pas conter. Le grenadier, dont personne ne connaît la lointaine origine, aura trouvé dans ces territoires à la fertilité légendaire, une terre d’asile et de réconfort. Sa grande résistance aux sols salés en fera un redoutable allié d’agriculteurs en mal de sensations fortes. Car ici, il ne viendrait à l’idée de personne de se passer de ces succulents plats de dessert ajustés à la cannelle et à peine saupoudrés de sucre.
D’autant que sa maturité intervient après celle des dernières grappes et avant les premières clémentines. Avec le jujubier, le grenadier est le dernier fruit de la saison. A ce titre, il bénéficie d’une aura toute particulière. Cultivé souvent dans de grandes parcelles, ses alignements prennent une si généreuse allure lorsqu’une fois les fruits gorgés de sucre ploient jusqu’à atteindre le sol. Confiné pendant très longtemps à un usage domestique, sa notoriété dépassera les frontières nationales le jour où des fervents admirateurs ont aidé à son exportation vers les marchés européens.
Les étrangers de passage dans la région n’hésitent pas à faire provision de ces fruits locaux aux saveurs particulières. Mais c’est incontestablement depuis l’avènement des chambres froides que le Sefri atteindra une popularité incommensurable. Depuis quelques années, le fruit réapparaît en plein hiver, à la grande satisfaction de ses milliers de fans. Dans une année ou deux, cet arbre à la générosité exemplaire ornera fièrement les collines dénudées du Dahra. Quand bien même l’aventure paraît hasardeuse, en raison des besoins en eau d’irrigation, la culture du grenadier Sefri vaut la peine d’être vécue. Ne serait-ce que pour voir ce fier témoin de notre histoire millénaire étaler ses somptueuses fleurs dans les moindres recoins de M’zila, de Tazgaït ou de Touaïzia.
En attendant son introduction dans d’autres régions agricoles du pays où il pourrait aider à réduire l’isolement et enrichir les vergers d’une espèce aux vertus avérées. Car celui que l’on appelle «fruit du paradis» dans les contrées aussi lointaines que le Pakistan ou l’Iran, constitue pour les Arméniens un symbole national. Rien que çà !
Yacine Alim le 12.10.13 | EL WATTAN